Affaire Tinner : La justice suisse n’a pas commis de faute

Justice Suisse

La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), dans son arrêt du 26 avril 2011, s’est prononcée en faveur de la justice suisse dans le cadre du procès intenté par les frères Tinner.

Tribunal Fédéral - Lausanne

Pour comprendre la portée du jugement de la CEDH, il faut remonter quelques années en arrière, et plus précisément entre 2004 et 2005. A cette époque, trois membres de la famille Tinner sont arrêtés et placés en détention préventive dans le cadre d’une sombre affaire d’espionnage. Les deux frères, Urs et Marco, mais aussi leur père Friedrich, sont suspectés d’avoir collaboré avec Abdul Qadeer Khan, l’inventeur de la bombe atomique au Pakistan. La CEDH relève qu’ « ils étaient notamment soupçonnés d’avoir fourni à la Libye du matériel tombant sous le coup du Traité de non-prolifération des armes nucléaires de 1968. » Par la suite, l’enquête a également porté sur du blanchiment d’argent : la vente d’armes était pour Marco Tinner une véritable machine a sous qui lui a rapporté 12 millions de francs.

Libérés sous caution en 2006 (Friedrich), en 2008 (Urs), et en 2009 (Marco), les Tinner se sont indignés de la longueur de la détention préventive et ont voulu faire sanctionner la justice suisse. En effet, comment justifier une telle durée de détention sans qu’un chef d’inculpation officiel soit présenté? Tout simplement parce que l’affaire était particulièrement complexe. De rebondissements en rebondissements, le juge d’instruction fédéral Andreas Müller a dû s’affranchir des pressions politiques suisses mais aussi des réticences de la CIA et des Etats-Unis. Il faut savoir qu’en 2003, les frères Tinner ont travaillé avec la CIA pour participer à la chute du réseau pakistanais. Le Conseil fédéral a alors invoqué raison d’Etat pour interdire au juge Müller de poursuivre ses recherches au-delà de cette date. De nombreuses pièces auraient d’ailleurs été détruites sur ordre du Conseil fédéral en 2007, officiellement pour éviter toute diffusion des plans de construction nucléaire.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme a donc estimé que les droits des frères Tinner n’avaient pas été bafoués par la durée de la détention provisoire et les a déboutés de leurs demandes.

Quelle va être la suite de l’affaire ? Au vu des faits et des preuves rassemblés, le juge Müller a demandé en décembre 2010 l’inculpation des trois ingénieurs suisses pour trafic illicite de matériel de guerre. Le Ministère public de la Confédération (MPC), silencieux jusqu’à présent, devrait rapidement déférer les Tinner devant le tribunal pénal fédéral. La porte-parole du MPC, Jeannette Balmer, a confirmé que la rédaction de l’acte d’accusation serait bientôt achevée. Les Tinner, qui donnent l’impression d’avoir joué avec la vente d’armes avec la même désinvolture que s’ils avaient misé quelques jetons dans un casino en ligne, encourent une amende de cinq millions de francs et une peine de prison de 10 ans.

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